Pendant cette période, Jean-Luc Lagardère, grand patron de Matra, prend plusieurs décisions radicales. En 1972, tout d'abord, il concentre toutes les forces sur la victoire aux 24 Heures du Mans en faisant l'impasse sur le Championnat du Monde des Marques. Et fait aussi revenir Henri Pescarolo "au bercail" après sa mise à l'écart en 1971.

Pour optimiser cette préparation, Matra se livre également en 1972 à des simulations longue durée sur le Circuit Paul Ricard. Puis, pour 1973, Jean-Luc Lagardère met un terme à l'engagement de Matra en Formule 1 pour viser à la fois le titre mondial des Marques et la victoire sarthoise.

1972 : le doublé victorieux - Engagé dans le Championnat du Monde des Marques, Ferrari décide, à l'exact inverse de Matra... de ne pas venir au Mans. En 1972, le désir de victoire du constructeur français est d'autant plus fort que Jean-Luc Lagardère avait promis une victoire Matra au Président de la République Georges Pompidou, qui a donné le départ de ces 24 Heures 1972... et Matra offre au chef de l'Etat un passage en tête à l'issue du premier tour de course, avec dans l'ordre Henri Pescarolo, François Cevert et Jean-Pierre Beltoise. En l'absence de Ferrari, cette 40e édition tourne au duel "interne" entre les Matra de Graham Hill-Henri Pescarolo et François Cevert-Howden Ganley, qui s'échangent le leadership. Mais, sous la pluie du dimanche matin, la stratégie des pneumatiques et un incident de course (Ganley est heurté à l'arrière par un autre concurrent) font définitivement pencher la balance en faveur de Hill et Pescarolo. Mais Cevert et Ganley assurent le doublé Matra, premier constructeur français victorieux au Mans depuis Talbot Lago en 1950.

1973 : Matra-Ferrari, le duel - En 1973, l'affrontement franco-italien a bien lieu, à la fois en Championnat du Monde des Marques et aux 24 Heures du Mans. Il sera somptueux, au fil d'une édition qui est aussi celle du cinquantième anniversaire du double tour d'horloge sarthois. Ferrari engage trois voitures, Matra quatre. Les deux constructeurs occupent la tête à tour de rôle avec trois équipages. Chez Ferrari, Arturo Merzario-Carlos Pace, Carlos Reutemann-Tim Schenken et Jacky Ickx-Brian Redman ; chez Matra, Jean Pierre Beltoise-François Cevert, Patrick Depailler-Bob Wollek et enfin les vainqueurs Henri Pescarolo-Gérard Larrousse. Ces derniers resteront sous la menace de Ickx-Redman jusqu'à la casse moteur de la Ferrari à 1 h 30 du drapeau à damier. A la fin de cette saison d'endurance 1973, Matra décroche également le titre mondial des marques.

1974 : Matra vainqueur, Porsche en embuscade - En 1974, Ferrari n'est plus là, parti à la reconquête du titre mondial en Formule 1. Vainqueur de la première manche du Championnat du Monde des Marques 1974, un autre constructeur italien, Alfa Romeo, décide à son tour de faire l'impasse sur Le Mans. Malgré cette absence, la victoire de Matra ne sera pas facile : trois des quatre voitures subissent divers problèmes techniques, et le duo Pescarolo-Larrousse, pointé en tête du classement horaire tout au long de ces 24 Heures, n'est pas épargné. Alors qu'il dispose d'un avantage confortable (11 tours) sur la Porsche Carrera de Gijs van Lennep-Herbert Müller, Henri Pescarolo s'arrête à la 19e heure dans la ligne droite des Hunaudières, victime d'un problème de boîte de vitesses. Il soulève le capot moteur et parvient à regagner les stands. Son avance a fondu à seulement trois minutes, mais la Porsche connaît à son tour des ennuis de transmission. A noter que la Matra victorieuse utilisait une boîte de vitesses... Porsche. Pour la remettre en état, l'équipe française doit ainsi faire appel à son fournisseur mais adversaire en course pour obtenir la pièce nécessaire à sa réparation ! Tout comme en 1973 (il était associé cette année-là à Jean-Pierre Jaussaud), Jean-Pierre Jabouille offre en 1974 la troisième marche du podium à Matra, cette fois en compagnie de François Migault.

Matra quitte donc les 24 Heures du Mans sur une troisième victoire consécutive. Deux ans plus tard, le constructeur français fait son retour en Formule 1, en tant que motoriste de Ligier.

L'épopée Matra au Mans, c'est aussi celle d'une nouvelle génération de pilotes français... à découvrir dans le troisième épisode de cette saga.

 

Cliquez ci-dessous pour découvrir le premier chapitre des années 1970 de Matra aux 24 Heures du Mans :

Matra, Le Mans et les années 1970 (1) - 1970-1971, en attendant la victoire 

 

Photo (Archives ACO) : Triplé Matra aux qualifications des 24 Heures du Mans 1972, avec dans l'ordre sur la grille de départ François Cevert-Howden Ganley (n°14, pole position), les futurs vainqueurs Henri Pescarolo-Graham Hill (n°15) et Jean Pierre Beltoise-Chris Amon (n°12).