Entre le premier top 5 de Jo Siffert aux 24 Heures du Mans (1966) et sa disparition sur le circuit de Brands Hatch (1971), le monde a connu de nombreux soubresauts et bouleversements.

1968 est une année exceptionnelle pour Jo Siffert. Il remporte les 24 Heures de Daytona, les 12 Heures de Sebring et sa première victoire en Championnat du Monde de Formule 1 à Brands Hatch. 1968, c'est aussi le Printemps de Prague en Tchécoslovaquie, les assassinats du pasteur Martin Luther King et de Robert Kennedy... Sans oublier l'agitation politique et sociale du mois de mai en France... Qui provoque le report à la fin du mois de septembre de la 36e édition des 24 Heures du Mans. Jo Siffert y signe la première pole position de Porsche et devient en même temps le premier Suisse à réaliser cette performance dans la Sarthe !

L'année 1968 est aussi un tournant dans le financement du sport automobile. "C'est l’arrivée du sponsoring "visible", confirme Michel Janvier. Ce qui marque le plus Olivier Marin, "c’est que Jo Siffert a anticipé ces changements... Il a été l’un des premiers à comprendre les bienfaits du sponsoring, Je crois que le fait de venir d’un milieu modeste et de réussir dans un domaine où il faut de l’argent tient vraiment à sa capacité à ne pas être juste un pilote. Dans les années 1960 où tout s’accélérait, il a compris le grand intérêt que pouvait amener la publicité, il a cherché lui-même des sponsors et a beaucoup travaillé pour gagner l’argent qui lui permettait de continuer à courir.  Nous avons d’ailleurs appelé un des chapitres « Jo Siffert homme d’affaires » qui relate cet aspect du personnage."

"Avec Olivier,  nous n’étions pas spécialement partis dans l’idée de faire coïncider les évènements d’actualité générale avec le parcours sportif de Jo Siffert, poursuit Michel Janvier. Comme de nombreuses fois dans la réalisation de l’album, ce sont les recherches qui ont créé cette opportunité d’associer des dates et des évènements. La première histoire que j’ai dessinée était celle de la victoire au Grand Prix de Grande-Bretagne de F1 en 1968. Une vidéo de la BBC sur laquelle je me suis appuyé montrait le jeune prince Charles d’Angleterre en compagnie des pilotes. La mode vestimentaire de l’époque était en pleine explosion. Ca m’a accompagné dans le dessin des cases où figure le public. La mode était aussi présente sur les courses automobiles et a influencé mon dessin dans cette première histoire. Mais la première idée faire coïncider délibérément des évènements m’est venue en découvrant accidentellement un journal sonore de Paris-Inter sur les archives de l’INA. Je cherchais simplement des vidéos sur internet traitant les 1000 km de Zeltweg 1969, pour l’histoire où Jo Siffert remporte pour la première fois une course avec la Porsche 917, au côté de Kurt Ahrens. J’ai découvert alors dans ce journal sonore du 10 août 1969 que la date de cette victoire était aussi celle de l’assassinat à Hollywood par la bande de Charles Manson de Sharon Tate, l’épouse de Roman Polanski. La sauvagerie de ce fait divers (Sharon Tate était enceinte et plusieurs personnes avaient été massacrées) avait eu un retentissement mondial. Je n’ai pas utilisé cette actualité dans l’histoire de Zeltweg 1969, mais dans l’histoire « Siffert globe - trotter » , où il sillonne la planète entre 1969  et 1971. Le rythme soutenu de ce chapitre volant de course en course collait bien avec des repères d’actualité, c’est ainsi que l’été 1969 a été pour moi le plus étonnant. Les compétitions se superposent aux évènements : 21 juillet 1969, Neil Armstrong pose le pied sur la lune, le 10 août, c’est  le massacre perpétré par la bande à Manson, et pour finir, Jo Siffert fait sa première course avec la 917 PA en CanAm pendant le week-end du festival de Woodstock !... D’où la présence de Jimi Hendrix dans l’album. En trois semaines, ce sont des évènements dont on parle encore..."

Olivier Marin précise toutefois "qu’il n’a pas toujours été facile de faire le tri parmi tous les événements qui ont jalonné la vie et la carrière de Jo Siffert. Le nombre de pages d’un album BD étant limité, nous avons essayé de ne rien oublier de l’essentiel qui fait sa légende, mais aussi d’agrémenter le récit de faits moins connus et c’est là que les choix ont été plus difficiles. Pour être le plus exhaustif possible dans l’éclectisme du personnage, nous avons souvent glissé une anecdote sur une seule case au milieu d’une histoire courte traitant d’un autre sujet mais toujours avec un souci de cohérence. Cela nous a permis de parler d’un maximum de choses..."

Après 1968 et 1969 - et malgré deux abandons aux 24 Heures du Mans - les années 1970 et 1971 installent définitivement Jo Siffert au panthéon du sport automobile. Avec une fois encore, de nouvelles correspondances avec l'actualité de son époque, à découvrir dans le prochain épisode de cette saga.

Illustration (Michel Janvier & Olivier Marin / Editions Paquet) : L'année 1969 aux 24 Heures du Mans, que Jo Siffert a disputées sur Porsche 908/2, c'est aussi la visite de Steve McQueen, venu en repérages pour le tournage de son film "Le Mans" l'année suivante.