Les 24 Heures du Mans et l'Amérique (4) - Briggs Cunningham, l'aventurier
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Les 24 Heures du Mans et l'Amérique (4) - Briggs Cunningham, l'aventurier

Au fil des années, la fascination américaine pour les 24 Heures du Mans ne s'est jamais démentie, et a offert de beaux chapitres à la légende sarthoise. Parallèlement aux aventures mancelles de Phil Hill, premier Américain victorieux dans la Sarthe, un autre de ses compatriotes se distingue pendant les années 1950 et 1960 par sa personnalité et son originalité : Briggs Cunningham.

Il aurait pu se contenter de sucer la cuiller en argent que dame fortune (papa  avait créé la Citizen’s National Bank et la Pennsylvania Railroad) lui avait glissé à la commissure des lèvres... Mais ce n'était pas le genre de Briggs Cunningham. Bien au contraire... Né en 1907, ce personnage au charisme exceptionnel n'a cessé de se prouver qu’il "pouvait" - pour paraphraser le fameux slogan "Yes we can" de Barack Obama - avant d’accéder à son héritage à… 40 ans, non sans avoir épousé la petite-fille du créateur de la Standard Oil Company.

Depuis longtemps déjà, l’Amérique avait compris l’importance du Mans dans l’émergence du sport automobile, avec la victoire de Jimmy Murphy et de sa Duesenberg lors du Grand Prix de l'ACF 1921, puis les participations - hélas infructueuses - de Chrysler, Stutz, Du Pont aux premières éditions des 24 Heures. Mais il faut attendre l’implication de Briggs Cunningham en 1950 pour voir les couleurs américaines briller sur le circuit de la Sarthe.

Encouragé par son oncle, Cunningham commence à courir dès les années 1930, tout en étant parallèlement à l’origine de la création du Sports Car Club of America (SCCA). Dans le même temps, il crée le Yacht Club de New York et engage son propre bateau Columbia (yacht de 12 mètres) dans la Coupe de l’America, qu’il remporte en 1958, en ayant inventé un système de réglage de voile qui porte son nom. Briggs Cunningham reçoit ainsi moult symboles de reconnaissance à la hauteur de son éclectisme : couverture du très prestigieux Time Magazine (1954), entrée à l’America’s Cup Hall of Fame (1993), au Motorsports Hall of Fame (1997) et à l’International Motorsports Hall of Fame (2003).

Côté sport automobile, Briggs Cunningham a la particularité de mixer les châssis et les mécaniques : châssis Cadillac et moteurs Ford débouchant sur une "Fordillac", hybrides avant l'heure refusés par l'Automobile Club de l'Ouest. A sa première participation aux 24 Heures en 1950, il aligne deux voitures sur base Cadillac, l’une recarrossée en "tank" aérodynamique par une société aéronautique (surnommé le "monstre") et un strict coupé type 61 baptisé "petit pataud". Ce dernier termine neuvième, précédant sa demi-sœur. Cette première participation contribuera en outre à la cause de la sécurité, avec l’arrivée des ceintures de sécurité que les aviateurs américains, pilotes des Cunningham, transposent de leurs chasseurs.

L’Américain conçoit ses propres voitures à moteur Chrysler : C2-R (1951), avec la liaison radio stand-voiture, les C4-R (1952), dont un fantastique coupé K qui trouvera sa filiation dans les futures Cobra, et la C5-R dite "le requin" (1953). En 1954, Briggs Cunningham engage même une Ferrari sur laquelle le célèbre préparateur Alfred Momo monte des freins refroidis au glycol. C'est la meilleure année du milliardaire américain au Mans, avec les troisième et cinquième places. Une C6-R à moteur Offenhauser voit le jour pour 1955, pour accompagner une Jaguar D, sans plus de succès. C'est la fin des voitures construites à West Palm Beach.

Il faut attendre 1960 pour voir les désormais célèbres voitures blanches à bandes bleues de Briggs Cunningham revenir en force, avec trois Chevrolet Corvette qui ne viendront pas à bout des sept Ferrari GT. Par contre, l’engagement de la Jaguar E2A, qui préfigure le future type E, est un évènement dont l’Américain peut être fier. En 1961, ce sont trois Maserati qui portent les couleurs de Cunningham. Deux terminent la course : l’une en quatrième position (tipo 63) et l'autre, pilotée par le patron en personne, à la huitième place. En 1962, ce sont deux Maserati tipo 151 et une Jaguar E sur laquelle le patron termine une fois encore quatrième, qui représentent Briggs Cunningham. Il vient en 1963 avec trois Jaguar E. Briggs termine neuvième avec la seule rescapée, ce sera l’ultime engagement aux 24 Heures du Mans  pour cet entrepreneur intrépide.

Briggs Cunningham nous a quittés le 2 juillet 2003. Cinq ans plus tôt, un autre Américain, lui aussi multimillionnaire, a grandement contribué à réinventer l'endurance telle que nous la connaissons aujourd'hui. Son histoire fera l'objet du prochain chapitre de cette saga.

 

Cliquez ci-dessous pour retrouver les épisodes précédents :

Les 24 Heures du Mans et l'Amérique (1) - De la Sarthe au Texas

Les 24 Heures du Mans et l'Amérique (2) - Trois Texans pour Le Mans

Les 24 Heures du Mans et l'Amérique (3) - Phil Hill, les aventures mancelles d'un pionnier

 

Photo (D.R. - Archives ACO) : Avant l'établissement en 1963 de qualifications au temps, la grille de départ des 24 Heures du Mans était établie en fonction de l'ordre décroissant de la cylindrée des voitures. C'est ainsi qu'en 1960, les Corvette de Briggs Cunningham (n°1, 2 et 3) occupaient les trois premières places. 

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