Julien Ingrassia, the voice speed au Mans
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Julien Ingrassia, the voice speed au Mans

Pro de la bonne note en rallye, au côté de Sébastien Ogier, le quintuple champion du monde WRC, Julien Ingrassia a été nommé Président du programme de détection Rallye Jeunes FFSA copilotes, dont la première session se tiendra samedi 13 janvier, au Mans. En février, une nouvelle sélection se déroulera toujours au Mans, sous la présidence du champion du monde qui nous dresse sa check-list du copilote idéal. Pour les futurs candidats, lecture obligatoire !

Quelles sont les 5 qualités essentielles du copilote?

"Organisation ; préparation ; curiosité ; abnégation ; concentration...Le tout dans un écrin de courage.
 

Quels sont les 5 pièges que doit éviter un copilote?

Ils sont tellement nombreux ! A tout instant, depuis la phase de préparation à la maison jusqu'au tout dernier pointage d'un rallye, les sources d'erreurs sont légions. Et la plupart du temps, ces erreurs une fois commises ne peuvent pas être "rattrapées", compensées...le copilote paye cash.

Parmi les pièges les plus évidents, le pointage, la navigation et le ravitaillement en essence viennent à la pensée de tout le monde. En temps normal, il est facile de dire qu'il est interdit de fauter sur un de ces items. Mais en situation de stress, d'urgence, c'est là qu'il faut savoir se mobiliser et se concentrer encore plus. Par exemple lorsque vous faites des tonneaux mais que vous pouvez continuer le parcours jusqu'à la prochaine assistance : en plus des très nombreuses tâches à accomplir entre deux spéciales, il faudra dealer avec une voiture endommagée et tenter de la consolider, de fait la gestion du temps sera encore plus délicate. Sans oublier que la charge d'adrénaline éprouvera l'organisme.

Photo : Avec sa précieuse montre, outil indispensable dans son travail, Julien Ingrassia chronomètre son pilote, Sébastien Ogier, en action, lors d’une interview. 

Qu'est ce qu'une bonne note ?

Le dictionnaire de la "Note" n'existe pas, mais ce n'est pas pour cela que toute note est bonne. Autant les termes employés pour décrire la route sont au libre-arbitre des équipages, autant il y a un cadre à l'intérieur duquel il vaut mieux évoluer :

  • les distances entre les virages
  • l'angle, la longueur et la vitesse d'un virage
  • tous les éléments périphériques tels que les cordes ou revêtements
  • la régularité et la reproductibilité d'une note : quelle que soit la voiture de reconnaissances, le terrain et les conditions extérieures, les notes doivent avoir de la "constance".

Y a-t-il une école du copilotage ?

Malheureusement pas vraiment, mais peut-être cette sélection Rallye Jeunes Copilotes pourrait à l'avenir déboucher sur une formation officielle et complète ? D'un point de vue global, la discipline Rallye est beaucoup plus exigeante, voire ingrate que les autres: l'apprentissage et la performance ne passent que par l'expérience ! Pas de simulateur, peu de séances d'essais, des conditions et des terrains de jeu très différents, évoluant d'une saison sur l'autre, une réglementation très lourde etc. Il faut du temps et de la persévérance pour "percer" en rallye. Mais à mon sens, là où l'on fait trop souvent une erreur de perception, c'est en imaginant avoir justement des formations séparées et distinctes pilote/copilote. Bien entendu, il s'agira que chacun possède une solide base dans son domaine à travers un enseignement initial. Pour autant la réalité du rallye est de "travailler à deux" , dans un bolide lancé à 150km.h sur des chemins de campagne.

C'est pour cela qu'en 2010 j'avais commencé à dispenser une formation "Equipage" ! Mettre le plus tôt possible les compétences en "connexion", créer des automatismes de travail et mettre à l'épreuve des caractères et points de vue forcément différents...telle était la philosophie. A l'avenir d'ailleurs, ce sera probablement quelque chose que je reprendrai en mains.

Quels sont les rallyes les plus compliqués en notes ?

Plusieurs rallyes peuvent être très difficiles à appréhender :

  • le Monte-Carlo avec énormément de changements de conditions au sol signifie que le rythme sera très irrégulier, haché, et cela demande alors beaucoup de concentration pour être dans une annonce parfaite des notes. Ajoutez à cela le fait que les ouvreurs corrigent et rajoutent beaucoup d'informations, et vous aurez alors des notes très denses et complexes.
  • la Corse ne laisse aucun répit ni en recos ni en course. Dans la première phase les routes ultra sinueuses et étroites, mettront les nerfs à rude épreuve, et pourtant c'est là que 50% du rallye se joue : la prise de note est essentielle. Dans la seconde phase, le débit d'annonce des notes sera très élevé, aucune ligne droite pour reprendre son souffle. Le pilote et le copilote seront littéralement en apnée mentale.
  • la Finlande demandera un effort de "visualisation", d'anticipation au moment de la prise de note : à 80km/h il s'agira d'estimer trajectoires et sauts abordés à 170km/h en course. Le copilote ne devra pas se faire surprendre lors notamment des premières participations : la vitesse est telle sur cette épreuve, que la plupart des virages passent "un ton au dessus" que ce qui est écrit dans le cahier !

Une bonne note pour un pilote est-elle une bonne note pour un copilote ? Devez-vous vous adapter au pilote et son langage ?

Il est évident que le copilote s'adapte à la vision de la route de son pilote. Mais au-delà de "s'adapter", le copilote peut et doit aussi apporter des éléments de confort ou de performance à son "chauffeur". Proposer des termes plus concis mais tout aussi "parlants", mettre en garde sur le fait qu'une certaine note très chargée puisse devenir indigeste en condition de course, ou encore alerter sur certains éléments manquants. Seb est extrêmement concentré durant les reconnaissances, et parfois lorsque j'ai une interrogation, plutôt que de l'interrompre, j'annote cela dans mon cahier et lui en parle lorsque nous revoyons les videos ensemble.

Photo : L’équipage quintuple champion du monde pose devant sa monture, la nouvelle Ford Fiesta.  

Finalement, le copilote que vous êtes, quel pilote est-il ?

Je pense que je pourrais être un assez bon pilote si je n'avais pas un défaut assez crucial : ne pas regarder assez loin les trajectoires ! Mais ça se travaille ! En tous cas j'ai à peu près réussi à suivre le rythme de Romain Dumas (double vainqueur des 24 Heures du Mans au général) sur un karting de location à Alès ! J'aime prendre le volant, cela procure beaucoup de sensations et de plaisir ! Comme dans la vie de tous les jours je roule vraiment comme un "papy", et que j'essaie pour une fois, de profiter des paysages (!), je me suis fait plaisir en achetant un kart-cross et un simulateur...et je dois avouer que c'est juste génial !

Essayez-vous de vous inspirer de votre pilote ou non ?

Ca peut paraître étonnant, mais après toutes ces années et ces dizaines de milliers de kilomètres parcourus, le pilotage de Seb a déteint sur moi, oui. Des freinages bien en ligne, dégressifs. Des phases bien décomposées, minimiser la glisse ou encore "asseoir" la voiture avant un gros jump... tout cela je l'ai observé et je m'en suis imprégné. Mais il me reste encore deux ou trois petites choses à comprendre avant de faire un scratch dans une powerstage...!"

Photo principale : Le copilote de Sébastien Ogier, Julien Ingrassia, quintuple champion du monde WRC, sera bientôt au Mans, comme Président du programme de détection Rallye Jeunes FFSA Copilotes. Hier, c’était la rentrée pour le WRC à Birmingham. Julien Ingrassia a partagé quelques souvenirs avec l’ACO : il s’essaie au pilotage, sur simulateur.