24 Heures du Mans - Vincent Beaumesnil/Eric Boullier : « Nous sommes complémentaires ! »
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24 Heures du Mans - Vincent Beaumesnil/Eric Boullier : « Nous sommes complémentaires ! »

Respectivement directeur sportif des 24 Heures du Mans et ambassadeur du Grand Prix de France F1, Vincent Beaumesnil et Eric Boullier sont les artisans d'événements majeurs qui font de la France la nation mondiale du sport automobile. Rencontre.

Ils se sont croisés pour la première fois chez Dams, il y a 20 ans. Eric Boullier venait faire un stage de fin d’études alors que Vincent Beaumesnil y était déjà salarié depuis quelques années.

Le Mans ? Ils l’avaient découvert à l’adolescence avant de gravir les échelons : bénévolat, petits boulots, charger et décharger les camions, nettoyer les roues, faire du panneautage contre « un petit quelque chose » « Là, souligne Eric Boullier, on vivait vraiment les 24 Heures : dix-sept heures de boulot, couchage dans la semi-remorque, etc. C’était en 95, l’année où Dalmas s’impose avec la McLaren mais n’y voyez aucun signe. » (rires).

Puis, il y a eu la première fois en tant que salarié pour Eric Boullier. C’était en 2000, avec DAMS et la Cadillac Northstar LMP. « On a réussi à le faire bosser sans le payer, commente Vincent Beaumesnil, mais ça n’a duré qu’un an. »

"Le retour du GP de France a été pour nous une bonne nouvelle. Ça créé une synergie extrêmement positive."
Vincent Beaumesnil

Aujourd’hui vous êtes, Vincent, directeur sportif des 24 Heures et vous, Eric, ambassadeur du GP de France. Qu’est-ce qui rapproche et éloigne ces deux épreuves phares du calendrier national et international ?

VB. Je crois que la différence majeure entre les deux épreuves est que nous sommes, au Mans, une organisation globale. L’ACO, de par son origine et son histoire, a créé sa piste, défini ses règlements, recruté ses commissaires et médecins, vend ses casquettes dans le Village… Il fait tout de A à Z. La F1 est sur des critères différents des nôtres, où tout est plus extrême. Ceux du Mans restent, à mon sens, plus populaires. Et puis, il y a la dimension du site et la durée de l’épreuve. Le Mans, ce sont trois semaines pour les écuries et une semaine pour le public. Le retour du GP de France a été pour nous une bonne nouvelle, et la proximité des dates fait de la France la nation mondiale du sport auto pendant quinze jours. Ça créé une synergie extrêmement positive.

EB. Le GP de France, pour sa part, s’installe au Paul Ricard et ne décide pas de la réglementation. Il paie une somme à Liberty Media qui amène la F1, F2 et F3. Je pense aussi qu'il y a une différence entre la clientèle des 24 Heures du Mans et du GP de France F1 au Paul Ricard. Evidemment, le fan absolu voudra assister aux deux événements, mais, majoritairement, ce n’est pas la même population. Je vois le rapprochement des dates comme une complémentarité.

"Combien de fois ai-je utilisé Le Mans comme modèle ! Il faut occuper les spectateurs en dehors de la piste et, depuis très longtemps, Le Mans y parvient."
Eric Boullier

La nécessité de créer des animations en marge des activités en piste est assez nouvelle en F1, alors que c’est une vieille tradition au Mans. Les 24 Heures ont-elles été visionnaires en la matière ?

VB. Beaucoup de personnes reviennent ; ce qui nous vaut un excellent taux de fidélité. Nos spectateurs passent trois ou quatre jours sur place et ils vivent de mutliples expériences qui ne se limitent pas à regarder une course. La dimension du site nous offre tout un tas de possibilités comme la fête foraine, qui a toujours été là. Il y a une vraie tradition mancelle à ce niveau. Je suis convaincu que les spectateurs viennent pour le plateau sportif, mais c’est tout ce qu’il y a autour qui les fera revenir !

EB. Combien de fois ai-je utilisé Le Mans comme modèle ! La F1 est très nombriliste et je me souviens de Grands Prix avec aucune autre activité que celle de la piste. Sur un Grand Prix, il faut occuper les gens durant 36 heures du samedi matin au dimanche soir. Aujourd’hui, le modèle que Liberty privilégie est celui-là. Au Grand Prix de France cette année, il y a deux villages, des concerts tous les soirs. La course devient un fil rouge. On vient voir ce qui se passe sur la piste, puis on va profiter des diverses expériences proposées.

Tant la F1 que Le Mans planchent sur une nouvelle réglementation technique. Le défi est-il le même : garder l’ADN de la discipline tout en pimentant le spectacle en piste ?

VB. Ce sont les mêmes revendications : développements technologiques, contrôle des coûts et bagarre en piste ! Nous en sommes tous là, sauf que c’est terriblement difficile à combiner. Le coût est actuellement au centre du débat car on ne peut plus se permettre de dépenser des sommes ahurissantes pour faire de la course automobile. Il y a un virage à prendre. Au Mans, nous jouons avec des paramètres techniques assez distincts de ceux de la F1. On accueille des voitures avec des profils différents, des architectures différentes et nous sommes peut-être moins dans les détails que ne l’est la F1. Notre ADN est la diversité et notre mission est de poursuivre dans cette voie même si ça peut rendre les choses plus compliquées à gérer.

EB. Ce sont des concepts et des esprits différents. Roues ouvertes d’un côté, carrosseries fermées de l’autre. Le Mans, c’est la durée. La F1, c’est le sprint. Il faut faire en sorte que les forces se resserrent sur la piste et c’est ce que la F1 tente de réussir. C’était très disputé en 2012/2013, avec pas mal de vainqueurs durant la saison. L’arrivée du moteur turbo/hybride a tout changé. Aujourd’hui, les organisateurs prennent le risque de tout chambouler. Pourquoi pas, mais il faut que cela s’accompagne d’un contrôle financier. Si l'on veut obtenir une convergence des performances, il faut toucher le moins possible à la règlementation.

VB. C’est vrai, la stabilité est la règle d’or. Nous avons été contraints au changement de par la brutalité des départs de constructeurs, et il nous a fallu réagir. Mais, sur le principe, je suis d’accord avec Eric : il faut privilégier la stabilité.  

PHOTO : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES DU MANS, 2019. Vincent Beaumesnil et Eric Boullier, une amitié de vingt ans et une vision similaire du sport automobile.

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