1987-1988 : la « Mission 400 km/h » de WM
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1987-1988 : la « Mission 400 km/h » de WM

CENTENAIRE DES 24 HEURES – LE MANS, L’EXCEPTION ⎮ En un siècle d’histoire, la saga des 24 Heures du Mans s’est construite non seulement sur l’innovation technologique permanente, mais aussi sur des records qui ont marqué l’imaginaire du sport automobile et fait rêver les passionnés du monde entier. Parmi eux, le summum pourrait être le record de vitesse dans la ligne droite des Hunaudières, détenu depuis 1988 par le constructeur français WM. Retour sur une performance que l’on pourrait baptiser « mission 400 km/h », racontée par l’un des ingénieurs qui l’ont vécue.

Six kilomètres pour une quête de vitesse absolue. La ligne droite des Hunaudières a stimulé l’imagination et nourri bien des rêves de performance hors norme. Avec, depuis le début des années 1970, un palier mythique : 400 km/h.

Porsche 917, en attendant WM

Lorsqu’apparaît la 917 en 1969, ce record occupe déjà l’esprit de Ferdinand Piëch, petit-fils du fondateur Ferdinand Porsche et responsable des activités compétition de la marque à cette époque. Pour lui, cette performance est aussi importante que la victoire pour frapper les esprits. Dans ce but, il n’aura de cesse de peaufiner l’aérodynamique de la première Porsche victorieuse au Mans. Jusqu’à ce que le pilote britannique Jackie Oliver atteigne une vitesse de pointe de 386 km/h lors des essais préliminaires de l’édition 1971. Même s’il manque 14 km/h, ce record restera la référence jusqu’au 11 juin 1988.

Cinq ans après la performance d’Oliver naît le constructeur français WM. « Je suis arrivé chez WM pendant l’été 1976, raconte Vincent Soulignac. A cette époque, j’étais ingénieur au centre de recherche de Peugeot à La Garenne, dans les Hauts-de-Seine. Nous avons fait nos premières 24 Heures du Mans en 1976. Chez WM, nous étions des amateurs au sens premier du terme, aucun de nous n’était salarié. Nous développions et engagions nos voitures de course au Mans à titre de loisir. J’ai pris assez rapidement des responsabilités techniques et je définissais toute l’architecture mécanique. Gérard Welter (cofondateur de WM avec Michel Meunier, ndlr) supervisait le tout et était surtout très passionné d’aérodynamique. »

"Pour toute l’équipe, les 400 km/h étaient un défi motivant et intéressant."
Vincent Soulignac, ingénieur WM en 1988

Après le lancement de la catégorie des prototypes dite du Groupe C, l’intérêt de Gérard Welter pour l’aérodynamique va prendre une autre dimension pendant la deuxième moitié des années 1980. « La FIA a créé le  Groupe C pour faire venir des constructeurs, ce qui a provoqué une envolée des budgets, poursuit Vincent Soulignac. Vers 1985-86, nous avons donc réfléchi au type d’événement et d’aventure vers lequel nous pourrions emmener nos sponsors. La société Heuliez (spécialisée dans la transformation de véhicules de route et utilitaires, ndlr) et son patron Gérard Quéveau ont accepté de nous suivre pour tenter d’établir le record de vitesse aux 24 Heures du Mans. Heuliez a donc pris à sa charge la WM n°52. Pour toute l’équipe, c’était aussi un défi technique très motivant et très intéressant. Il faut non seulement une trainée très réduite mais aussi une stabilité absolue, car on ne lance pas un de ses pilotes à 400 km/h sans se poser de questions au préalable.  »

La WM confiée à Heuliez fait donc l’objet d’un travail aérodynamique spécifique très profilé. Mais outre les qualités techniques requises pour une voiture envisageant un tel record, encore faut-il disposer du matériel de mesure nécessaire : « Il faut rappeler qu’à cette époque, la mesure de la vitesse sur les routes était effectuée par un radar baptisé Mesta 206, fabriqué par la SFIM. On en trouvait un sur la ligne droite des Hunaudières en bord de piste aux 24 Heures 1987 et 1988, indique Vincent Soulignac. En 1987, on n’a jamais enregistré de vitesse supérieure à environ 390 km/h et au passage des WM, le Mesta 206 n’avait enregistré aucune vitesse alors que nous avions atteint 410 km/h. Les 24 Heures 1987 se sont donc achevées sans que nous battions officiellement le record de vitesse. Nous étions bien sûr déçus et avons décidé de retenter notre chance en 1988. J’ai donc parlé avec la SFIM, qui m’a dit qu’ils allaient amener du matériel différent. »

De 407… à 405 km/h

Depuis sa première apparition sarthoise en 1976, WM utilise un moteur V6 turbocompressé d’origine PRV, du nom de l’association entre Peugeot, Renault et Volvo pour sa production. Une option technique qui aura son importance pour l’établissement de ce record de vitesse, en ce jour de gloire du 11 juin 1988. « Le samedi soir, pendant la course, aux alentours de 22 heures, un ingénieur de la SFIM est venu me trouver pour me dire qu’ils avaient un nouveau radar, le Mesta 208, se souvient Vincent Soulignac. J’ai donc appelé Roger (Dorchy, l’un des pilotes de la WM n°51, ndlr) et lui ai demandé de mettre 50 grammes supplémentaires de pression de suralimentation sur le moteur. C’est à ce moment que la voiture a atteint 407 km/h. Gérard (Welter, ndlr) et moi travaillions tous les deux pour Peugeot, et il a été convenu que, compte tenu du lancement de la Peugeot 405, nous déclarerions le record de vitesse à 405 km/h. »

Un record à battre ?

Pour son avant-dernière participation (il a été pilote WM à onze reprises en quinze départs de 1974 à 1989), Roger Dorchy entre dans le livre des records des 24 Heures du Mans. Un peu plus de trois mois après ce 11 juin 1988 historique, Peugeot présente au Mondial de Paris une maquette à l’échelle 1 du premier design de sa 905, qui remportera les 24 Heures en 1992 et 1993.

Ces 405 km/h pourraient-ils être battus un jour, pour une conjonction parfaite entre innovation technologique et performance pure, alors que l’hydrogène se profile sur le circuit des 24 Heures ? Pour Vincent Soulignac, rien n’est impossible : « Pour moi, si on avait envie de faire une voiture conçue pour cet objectif, on pourrait battre ce record sur la portion de la ligne droite des Hunaudières précédant le premier ralentisseur, et même sur ce que j’appelle la troisième ligne droite (entre les virages de Mulsanne et Indianapolis, ndlr). En fait, 400 km/h, c’est aussi un mythe. Ca fait 250 miles à l’heure… En somme, des chiffres ronds qui font parler ! (rires) »

PHOTOS : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS 1988 (D.R. / ARCHIVES ACO) - En 1988, WM engageait deux prototypes P87, confiés à Roger Dorchy, Claude Haldi, Pascal Pessiot et Jean-Daniel Raulet. Les deux voitures seront contraintes à l'abandon, mais la n°51 a rempli sa mission, en établissant l'actuel record de vitesse sur la ligne droite des Hunaudières.

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