On dit la France autophobe, mais ils sont près de 260 000 à s’être déplacés aux 24 Heures du Mans cette année et, au Paul Ricard ce week-end, ils seront 65 000 fans à s’installer sur le plateau du Castellet. Etonnant, non ? Pierre Fillon, président de l’ACO, et Christian Estrosi, président du GIP Grand Prix de France, qui ont décidé de parler d’une même voix en ce mois de juin placé sous le signe du sport automobile, avec les 24 Heures du Mans et le Grand Prix de France, jettent un regard sur ce surprenant paradoxe français.

« Il y a, c’est vrai, un climat autophobe dans notre pays qui, à mon sens, est plus un ressenti qu’une réalité, avance Pierre Fillon. Quand je vois tous les fans qui se déplacent sur les épreuves ou qui regardent les retransmissions, je ne crois pas qu’il y a une baisse d’audience. Par contre, je crois qu’il y a besoin de rajeunir l’audience. Le rapport à l’automobile et au sport automobile chez les plus jeunes doit être travaillé et c’est ce que nous essayons de faire avec le e-sport. Le sport auto, c’est un spectacle, c’est du sport, mais ça doit aussi servir à l’industrie, à la technologie. Le Mans est un laboratoire de technologie et a d’ailleurs été créé pour cela. La F1 utilise aussi de nouvelles technologies. Ce lien entre ce qui roule sur nos circuits et ce que cela va apporter à nos voitures sur la route doit être préservé. Il faut aussi tenir compte, plus qu’avant, des contraintes environnementales, et c’est pour cela que nos règlements vont en ce sens. Sur l’organisation même, c’est plus difficile qu’autrefois. Ce n’est pas propre au sport automobile mais à tous les grands événements. Contraintes de sécurité, menaces terroristes, ce sont des choses qui ont compliqué la tâche des promoteurs. Comme aussi le temps de travail puisque les lois régissant le droit du travail ne sont pas forcément adaptées à ces grands événements sur une courte durée. Je pense qu’il y a une vraie réflexion à avoir sur ce sujet car cela ne nous facilite pas la vie. En dehors de cela, je pense que l’engouement pour le sport automobile reste le même. »

Une analyse que Christian Estrosi fait sienne. « Ce que je peux ajouter en complément à Pierre, c’est que les contraintes pour les grands événements sportifs ou culturels sont bien plus grandes que par le passé. Aussi, il y a une quinzaine d’années, nous n’avions peut-être pas les politiques vertueuses que nous avons désormais en termes d’écologie, la volonté de faire baisser les émissions de CO2 dans le tissu urbain, mieux organiser la mobilité, progresser dans les politiques de transport, etc. Tout le monde l’a compris, les industriels, les organisateurs de grands événements et les gestionnaires d’espaces publics. Tout le monde a considéré qu’il y avait à faire un tronc commun sur les progrès technologiques. Pour ce qui est du générationnel, les plus anciens qui sont peut-être un peu nostalgiques de leur époque doivent être un peu bousculés par les plus jeunes. Ils ne demandent que cela. Dans nos centres d’apprentissage, dans nos lycées techniques, il n’y a jamais eu autant de demandes pour intégrer les filières de formation liées à l’automobile, à la moto, au motonautisme et dérivés. Je crois que l’on a entre nos mains un atout et que nous n’avons pas honte de faire de la France un grand pays de sport automobile parce que cela peut accompagner beaucoup d’emplois. Et puis, c’est une belle image. De dynamique et d’innovation. »

Un beau reflet renvoyé par les 24 Heures du Mans le week-end dernier et le Grand Prix de France dimanche prochain.

Photo : Pierre Fillon sur la grille de départ des 24 Heures du Mans 2018.

Photo : Christian Estrosi sur le circuit du Castellet.