Après avoir essentiellement couru en tant que pilote propriétaire depuis ses débuts en course de côte en 1962, Reinhold Joest se voit engagé pour la première fois par une écurie en 1969 pour un rendez-vous majeur de sa carrière : ses premières 24 Heures du Mans.

Pour la circonstance, le pilote allemand est au volant d’une Ford GT40, dont les différentes déclinaisons (Mk II, Mk IV, Mk I) sont invaincues dans la Sarthe depuis 1966. Frappée du numéro 68, elle est engagée sous les couleurs du magazine automobile Deutsche Auto Zeitung par Hans Lehmann, à la fois propriétaire de cette GT40 (châssis n° 1081) et de cette publication.

Reinhold Joest a pour coéquipier son compatriote Helmut Kelleners. Né le 29 décembre 1939, il découvre lui aussi Le Mans, mais dispose déjà d’une expérience enviable sur les courses longue distance : en 1968, il a remporté les 24 Heures de Spa sur Porsche 911, associé à Willi Kauhsen et Erwin Kremer. Et poursuivra au fil des années 1970 et 80 une remarquable carrière dans le monde des voitures de tourisme. Avant ce rendez-vous manceau, le duo Joest-Kelleners se distingue en Championnat du Monde des Marques par deux top 10 (4e et 6e aux 1000 km de Monza et du Nürburgring), assortis d’autant de victoires en catégorie Sport (voitures de cylindrée maximale de 5 litres construites à 25 exemplaires).

Quatrième des six Ford GT40 engagées à l’issue des qualifications, la n°68 s’élance depuis la 22e position sur la grille de départ. Divers soucis (vibrations, freins, boîte de vitesses, fuite d’huile) ne l’empêchent pas d’être solide huitième dans la deuxième moitié de la course. A trois heures du drapeau à damier, Joest et Kelleners gagnent deux positions à la faveur de l’abandon des Porsche 917 de Richard Attwood-Vic Elford et 908 de Willi Kauhsen-Rudi Lins, qui occupaient les deux premières places.

Alors qu’il est au volant pour la fin de la course, Reinhold Joest remarque que les feux arrière de Hans Herrmann s’allument plus souvent que nécessaire, signe d’une utilisation inhabituelle de ses freins. Et dans le cockpit de la Porsche 908 n°64, le témoin d’usure des freins s’est lui aussi allumé. C’est la clé de l’issue du duel époustouflant qui oppose Herrmann à Jacky Ickx pour la victoire pendant la dernière heure : la Ford avait changé ses plaquettes avant à 11 h 10, alors que Porsche indiquera un témoin d’usure défectueux.

Avec 341 tours couverts (soit 4 592 kilomètres), Reinhold Joest et Helmut Kelleners terminent sixièmes – et troisièmes de la catégorie Sport, seulement devancés par les deux Ford GT40 Gulf de Jacky Ickx-Jackie Oliver (vainqueurs) et Mike Hailwood-David Hobbs (troisièmes) !

Au fil de ses huit autres participations en tant que pilote jusqu’en 1981, Reinhold Joest sera un fidèle de Porsche, en tant que pilote d’usine ou concurrent privé au sein de sa propre structure Joest Racing. Celle-ci s’impose à quatre reprises (1984-85-96-97) avant de devenir partenaire privilégié d’Audi, avec onze des treize victoires sarthoises de la marque aux anneaux.

PHOTO (D.R. / ARCHIVES ACO) : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES, 24 HEURES DU MANS, SAMEDI 14 & DIMANCHE 15 JUIN 1969. Sixième dès sa première participation au volant de cette Ford GT40, Reinhold Joest signe par la suite sur Porsche quatre top 5 en tant que pilote (3e en 1972, 4e en 1975, 3e en 1978, 2e en 1980), avant de remporter en 1984, grâce à Klaus Ludwig et Henri Pescarolo, la première de ses quinze victoire de patron d’écurie.