24 Heures du Mans – Comment les pilotes gèrent-ils la fatigue ?
Les 24 Heures du Mans sont un défi humain autant que mécanique. Si les machines sont éprouvées, les hommes, et plus particulièrement les pilotes, le sont également. Alors comment luttent-ils contre la fatigue en course ? Quels sont leurs techniques pour l’affronter ? Thomas Laurent, pilote de Rebellion Racing et Paul-Loup Chatin (Idec Sport) et Nicolas Lapierre (Signatech Alpine Matmut) nous éclairent sur ce sujet.
La semaine de préparation aux 24 Heures du Mans peut s’avérer très fatigante pour les pilotes. Entre les Vérifications administratives et techniques en centre-ville du Mans, les essais qui se disputent les mercredi et jeudi soir puis la Parade des pilotes la veille de la course, les athlètes du bitume doivent apprendre à se ménager. « Il y a tellement de belles voitures et de bons pilotes qu’on est tenté de se balader dans le paddock et de discuter avec tout le monde mais il faut essayer de conserver de l’énergie pour la course. Avec l’expérience, on parvient à s’isoler et à essayer de se reposer le plus possible. », explique Nicolas Lapierre, pilote de l’équipe Signatech Alpine Matmut qui engage une Alpine A470 - Gibson, #36, en catégorie LMP2. Pour son concurrent Paul-Loup Chatin, pilote de l’Oreca 07 - Gibson #48 d’Idec Sport, « Le plus dur, c’est d’arriver le samedi à 15 heures (heure du départ, ndlr) à 100% de ses capacités ».
"On en rigole souvent entre pilotes, il y a des relais qui font mal. Celui de 2 h 30 - 3 heures du matin, il est terrible"
Nicolas Lapierre, Signatech Alpine Matmut
Durant la course, le sommeil s’apparenterait presque à un luxe. Chaque pilote réagit différemment à la fatigue et le temps de repos varie en fonction des organismes. « Potentiellement, on peut avoir cinq heures de sommeil sur toute la durée de la course », estime Paul-Loup Chatin. « L’an passé, j’ai su gérer mes temps de repos. J’ai effectué deux siestes de 15 ou 20 minutes. C’était suffisant pour garder le rythme », se souvient Thomas Laurent, pilote de Rebellion Racing. En tout cas, ces deux jeunes pilotes sont unanime sur un point : le plus fatigant, aux 24 Heures du Mans, c’est de regarder ses coéquipiers piloter en ayant un peu peur. « J’ai la chance d’avoir deux coéquipiers exceptionnels en qui j’ai pleinement confiance, alors, quand je sors de la voiture, je ne me préoccupe pas de ce qui se passe en piste », commente Paul-Loup Chatin. « Lors de ma première participation en 2017, mon bungalow était situé à côté d’un haut-parleur qui diffusait les commentaires du speaker. A chaque fois qu’il haussait la voix je ne pouvais m’empêcher de vérifier sur mon téléphone que cela ne concernait pas ma voiture. Je me suis beaucoup fatigué », raconte Thomas Laurent.
Des lampes de luminothérapie pour rester éveillé
Sur 24 heures de course, à quel moment les pilotes ressentent-ils plus la fatigue ? Nicolas Lapierre répond : « On en rigole souvent entre pilotes, il y a des relais qui font mal. Celui de 2 h 30 - 3 heures du matin, il est terrible. Nous avons des systèmes qui reproduisent la lumière du soleil pour essayer de nous éveiller, on fait un peu de sport sur des vélos d’appartement, des échauffements pour se mettre dans le rythme. On s'efforce de réveiller un peu son corps. »
L’intensité d’un relai en course est telle qu’il est difficile pour les pilotes de trouver le sommeil sitôt qu'ils ont quitté le cockpit de leur voiture. Pour s’endormir sans difficulté, Paul-Loup Chatin a une technique bien à lui : « Je mets un film que je connais déjà, que j’aime beaucoup et je m’endors facilement devant ».
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Guénolé TREHOREL (ACO)
Les 24 Heures du Mans sont tellement exigeantes physiquement pour les pilotes qu’on imagine que la nuit qui succède à la course est forcément longue. « Lors de mes deux participations, le dimanche soir, j’ai fait la fête avec mes coéquipiers et mon team et j’ai véritablement attendu d’être épuisé pour aller dormir. Dans ces cas-là, on ne se relève pas avant 11 heures ou midi le lendemain. Ça permet de récupérer et ça fait vraiment du bien », détaille Thomas Laurent. En revanche, si le résultat n’est pas à la hauteur des ambitions, « on aime bien passer à autre chose et s’activer dès le lundi matin afin de se reprojeter vers de nouvelles échéances pour retrouver de la motivation », considère Paul-Loup Chatin, consultant en transformation numérique de profession.
Dimanche à 15 heures, il y aura à coup sûr des pilotes épuisés mais pour ceux qui auront la chance d’être à l’arrivée ou de monter sur le podium, l’adrénaline et la joie auront pris le pas sur la fatigue.
PHOTO : LE MANS (SARTHE, FRANCE), CIRCUIT DES 24 HEURES DU MANS, DIMANCHE 17 JUIN 2018, COURSE. Paul-Loup Chatin, pilote de l'équipe français Idec Sport engagée en catégorie LMP2, s'apprête à prendre un relais après s'être reposé.
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