24 Heures du Mans - Farida et les garçons
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24 Heures du Mans - Farida et les garçons

Farida Zadi est l'une des trois femmes team manager des 24 Heures du Mans 2017. Cette Mancelle au parcours atypique gère une équipe de vingt-cinq personnes, entièrement masculine. Main de fer, gant de velours.

Dans le box du SMP Racing, une femme mince, regard sombre, air décidé, se penche sur la Dallara P217 #27. La voiture est parée d'une livrée blanc et bleu roi, capot frappé des armoiries russes : un aigle d'or, à deux têtes, prêt à fondre sur ses proies. Farida Zadi échange avec un mécanicien du SMP Racing, fait une remarque à un autre parce que du matériel n'est pas rangé à sa place. « On a 40 m2 pour 25 personnes, alors il faut optimiser ! » Ici, c'est elle le « boss », le team manager. « Je m'occupe de toute la partie administrative, et deux autres personnes de l'aspect technique. »

Sa carrière dans l'automobile a débuté par... une maîtrise de droit, suivie d'un DEA ! Mais pour Farida Zadi, passionnée de compétition plus que d'un sport en particulier, la perspective d'une vie relativement calme et sédentaire n'était pas attrayante... Elle a rêvé, en vain, d'une carrière de footballeur. Malgré un bon potentiel, l'entrée de la section « sports études » lui a été refusée parce qu'elle était de sexe féminin. Farida aimait jouer à l'arrière, au poste de libero : le dernier rempart d'une défense, qui analyse et relance le jeu. Une métaphore de son métier actuel. 

En 1998, elle a 26 ans et se fait embaucher par Toyota au Mans, comme petite main, au poste de « go for », qu'on peut traduire par « va chercher ». Elle y développe sa débrouillardise, sa réactivité. « Chez Toyota j'ai rencontré des personnes qui sont pour moi des icônes, comme André de Cortanze. » L'homme est un ingénieur mondialement renommé, directeur technique chez Toyota de 1997 à 2001. « C'était une époque passionnante, avec l'émergence d'une nouvelle génération de prototypes. »

"J'ai passé le permis super lourds pour trouver du travail dans une écurie"
F. Zadi

Après deux années dans les coulisses de l'écurie japonaise, Farida se rend compte qu'elle aura du mal à trouver un emploi qualifié dans le sport auto, du côté opérationnel, simplement armée de sa maîtrise de droit. Elle décide de passer le permis super lourds pour se rendre indispensable. Les chauffeurs titulaires de ce sésame sont rares et convoités. Et en l'an 2000, elle est embauchée par JMB Racing, pour un remplacement.... qui dure une douzaine d'années ! « J'ai commencé par m'occuper du transport et des pneus. Puis j'ai été au refueling, et j'adorais cette adrénaline-là. Nous n'étions pas beaucoup de femmes à ce poste ! » Face aux hommes, elle ne s'est jamais sentie en difficulté dans le sport automobile : « sincèrement, je n'ai jamais ressenti de matchisme ». Il faut dire que la forte personnailté de Farida se ressent d'emblée, et n'incite pas à la familiarité...

Chez JMB, elle est rapidement promue logisticienne et gère donc toute la partie opérationnelle. « La polyvalence est souvent nécessaire dans les écuries d'endurance. Chez JMB je rédigeais parfois les communiqués de presse. »

 

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En 2103, Farida rencontre le milliardaire russe Boris Rotenberg, qui est sur le point de créer son écurie. Elle est emballée par le projet et le suit. 

Ce proche de Vladimir Poutine crée non seulement une écurie, mais aussi une pépinière de pilotes russes. Une quarantaine de talents ont intégré l'académie depuis sa création. « Le but est d'amener des pilotes russes au plus haut niveau, explique Farida Zadi. Une filière karting et un championnat de F4 ont été créés en Russie pour encourager cette dynamique. »

 

"SMP Racing n'est qu'un volet du projet visant à former des pilotes de top niveau russes"
F. Zadi

Des succès sportifs ont couronné le projet, comme la victoire aux 24 Heures du Mans 2015 en GTE Am, pour la Ferrari 458 du SMP Racing. Le meilleur souvenir sportif de Farida. « Viktor Shaytar qui effectuait le dernier run ne savait pas qu'il avait gagné en passant le drapeau à damier. On ne lui avait pas dit que la voiture de tête avait abandonné, pour ne pas le stresser. Lorsqu'il a réalisé sa victoire, ça a été un moment d'émotion magique pour toute l'équipe. »

En 2016, la BR01 du SMP Racing s'est classée 3e des LMP2 au Mans, alors qu'elle ne faisait pas partie des favorites : « c'était une voiture construite par nos soins, et assemblée au Luc, dans le Var, où l'écurie est basée. Elle était hyper fiable » .

Le règlement de la catégorie LMP2 ayant été modifié, le SMP Racing a investi dans une Dallara P217, qui a « de petits pêchés de jeunesse », selon Farida. La première séance d'essais qualificatifs, mercredi soir, a été marquée par un début d'incendie de la voiture, suite à une casse d'échappement. La Dallara a de nouveau connu des soucis jeudi, et réalise le 16e temps des essais qualificatifs, et le 10e de la catégorie LMP2, en 3.27.782. Elle s'élancera donc depuis la 8e ligne de la grille de départ. 

Un équipe 100 % russe se partage le volant. Le très rapide Mikhail Aleshin s'illustre en IndyCar aux Etats-Unis et a déjà couru deux fois au Mans. L'équipe compte aussi un « rookie » de luxe, Sergey Sirotki, pilote de développement Renault en F1. Et puis Viktor Shaytar est toujours de l'aventure, pour sa quatrième participation.

Quelle ambition pour le SMP Racing cette année, avec ce nouveau prototype ? « Même si je venais au Mans avec une voiture à pédales, j'espèrerais gagner ! Les 24 Heures sont vraiment la course où tout peut arriver, donc il faut venir avec des ambitions. » Le tempérament de battante de Farida Zadi est toujours prêt à resurgir ! Elle attend avec impatience 2018, année où le nouveau prototype LMP1 du SMP Racing, actuellement en soufflerie, prendra la piste. 

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