Porsche joue sur la fibre nostalgique... La marque se permet même, pour cette célébration, un petit décalage temporel : les numéros de course des deux 911 RSR en livrée spéciale sont inversés par rapport à la chronologie historique des deux voitures auxquelles elles se réfèrent.

Pour comprendre ces références, il faut remonter le temps avec la n°92 de Michael Christensen, Kévin Estre et Laurens Vanthoor, jusqu’aux 24 Heures du Mans 1971. Cette année-là, la Porsche 917 domine l’endurance et a signé la première victoire du constructeur allemand aux 24 Heures. Parmi les sept exemplaires au départ, l’un attire particulièrement l’attention. En clin d’œil à la Sarthe, pays de la rillette, la 917/20 n°23 d’usine Martini Racing revêt une livrée entièrement rose, avec de gros pointillés figurant les différents quartiers de viande du cochon. Une référence qui surprend autant qu’elle séduit… Mais n’est pas du tout du goût de Martini, qui fait retirer son logo de la voiture, aujourd’hui passée à la postérité sous le sobriquet de « cochon rose ». Sur la piste, ses pilotes Reinhold Joest (devenu le propriétaire d’écurie le plus victorieux au Mans, avec quinze succès) et Willi Kauhsen sont contraints à l’abandon. Mais les solutions techniques de cette 917/20 inspireront l’ultime version, dite 917/30 vue aux Etats-Unis en 1973, puis la Porsche 936, trois fois victorieuse au Mans en 1976, 1977 et 1981.

La décoration de la 911 RSR n°91 de Gianmaria Bruni/Richard Lietz/Frédéric Makowiecki fait écho à la décennie suivante. Apparue en 1982 et répondant à la réglementation technique dite du Groupe C, la 956, puis son évolution dite 962 C, vont installer une domination durable, avec pas moins de six victoires consécutives de 1982 à 1987, dont quatre avec la livrée bleu, blanc, rouge et doré (1982, 83, 86 et 87). La première participation en 1982 est un véritable triomphe, avec un triplé dans l’ordre des numéros : les vainqueurs Derek Bell/Jacky Ickx (n°1), Jochen Mass/Vern Schuppan (deuxièmes, n°2) et Jürgen Barth/Hurley Haywood/Al Holbert (troisièmes, n°3)… Sept pilotes cumulant vingt victoires aux 24 Heures. Parmi eux, Derek Bell était l’un des pilotes de la voiture victorieuse en 1982, 86 et 87.

En 2018, l’équipe Porsche GT Team compte également dans ses rangs quatre vainqueurs des 24 Heures du Mans… dont aucun n’est au volant de l’une des deux 911 RSR en décoration anniversaire. Parmi eux, Romain Dumas et Timo Bernhard. « J’aurais aimé piloter la 91, car elle me rappelle les couleurs de la 956 et de la 962 », indique Romain Dumas. « En fait, le rose va plutôt bien à la 911 RSR mais les jantes blanches donnent un cachet particulier à la 91. » Timo Bernhard avoue lui aussi une préférence pour la livrée des années 1980 : « ces deux voitures sont superbes, j’aime bien la décoration rose mais celle de l’époque du Groupe C est plus liée à ma propre jeunesse (Timo Bernhard est né en 1981, ndlr). C’est super de voir Porsche se souvenir d’un riche héritage dont peu de constructeurs peuvent se prévaloir. Ce que la marque a réussi dans les décennies passées est un rappel de ma situation et je suis très heureux d’exercer une des plus belles activités au monde. »

La 86e édition des 24 Heures du Mans a bien commencé pour ces deux voitures en livrée anniversaire qui, à l’issue des essais qualificatifs, ont réalisé les deux meilleurs temps de la catégorie LMGTE Pro, avec dans l’ordre la n°91 et la n°92.

Photo : Les 911 RSR n°91 et 92 sont également engagées pour l’intégralité de la Super Saison du Championnat du Monde d’Endurance (FIA WEC), qui s’achèvera dans un an, avec la 87e édition des 24 Heures du Mans.